Tollens mécène malgré elle… article publié dans la revue Patrimoine Culture d'Europe en 2008

Publié le par julien lannette


Cet article fait suite à une courte série d’entretiens avec Daniel Walravens et Yvon Nouzille en févier et en mars 2008.


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La galerie du Sous-Sol

J’ai rencontré Yvon Nouzille et Daniel Walravens lors de mon stage de fin d’étude au Musée Zadkine. La collaboration entre ce commissaire d’exposition et cet artiste était ancienne. Elle me paraît aujourd’hui fondamentale pour expliquer certains types de rapports qui peuvent exister entre création artistique et logique d’entreprise.

En 1992, une association de jeunes gens en se défiant de la logique de marché ont imaginé un lieu, un espace dédié aux artistes. Dans le sous-sol du 12 rue du Petit Musc, à Paris, ils ont composé un univers à leur image, vif, novateur, libre.

Ils abattirent les cloisons et recouvrirent les immenses murs, mis à nu, de peinture blanche. Stéphane Crasnianski, fils du PDG de la société Kis, alors propriétaire des locaux, rassembla autour du projet un petit groupe d’entreprises désireuses de s’investir. Fuji Film, Comatel, Ruget, Mory et Tollens allaient participer à une expérience remarquable.

Les 800 m2 des 7salles recouverts de la peinture de Tollens permirent à la galerie Le Sous-sol de devenir cet espace incontournable à la fois creuset intergénérationnel, laboratoire de création, plateforme d’observation et de rencontre entre les artistes, les collectionneurs, les institutions, les entreprises et le public. Cette audace a fait d’eux des témoins privilégiés.

Au début des année 90, on parlait beaucoup du mécénat d’entreprise, mais il restait le fait du prince. L’action de ce petit groupe d’entreprises tenait plus d’un mécénat de complaisance que d’une volonté de partenariat visible. Les artistes invités produisaient des oeuvres en fonction de l’espace clair-obscur et complexe de ce sous-sol, des matériaux fournis par les entreprises et des relations tissées avec celles-ci... C’était toute leur situation concrète qui était prise ainsi en “main” par les artistes.

La rencontre entre Yvon Nouzille et Daniel Walravens

Yvon Nouzille raconte : « Ainsi, un jour Jacques Orlando, responsable commerciale des peintures Tollens, me propose de rencontrer un artiste, Daniel Walravens, coloriste pour Tollens, créateur de nuanciers. Je connaissais de nom cet artiste car il travaillait avec une des galeries les plus intéressantes de Paris, la galerie Claire Burrus. Cette rencontre a été fondamentale. Elle m’a introduit à une pensée de la peinture extrêmement puissante. C’est l’entreprise mécène qui finalement a fait la proposition artistique la plus importante! Un artiste proposait un système de circulation du domaine artistique au domaine de l’entreprise qui fonctionnait à plein. Nous étions loin des tensions et des confusions entre responsables artistiques et chefs d’entreprises voulant imposer chacun leur goût »  (entretient avec Yvon Nouzille du 28 février 2007)

Il en fut de même pour Daniel Walravens :
“Lors de ma visite à la galerie Le Sous-sol, je n’ai découvert ni une galerie ni un espace industriel mais la superposition de deux mondes où l’art et l’industrie tenteraient de cohabiter. De cette sensation équivoque émergea alors le désir de mettre en oeuvre...”  (Daniel Walravens en  1995)


Daniel Walravens : de la couleur en général…

Daniel Walravens a débuté son activité de coloriste à partir de 1968. Des recherches sur la couleur, les pigments et leurs interactions, nées de la réflexion sur son travail de peintre l’ont conduit à devenir coloriste, entre autre, pour la marque Tollens. Les articulations qui se sont construites autour de la conception des nuanciers ont été déterminantes tout au long de son parcours. Il articula les recherches scientifiques et industrielles avec une création artistique personnelle. En publiant des ouvrages de référence sur ces questions, il a permis le développement d’une vision nouvelle de l’utilisation de la couleur et du jeu sur ses harmonies.

Daniel Walravens raconte que lors de sa découverte de la galerie, un détail a attiré son attention : les traces de peinture vertes laissées sur le sol. Il a été séduit par ce lieu industriel et à fait remonter la couleur sur les murs. C’est ainsi que naquit le deuxième volet de son exposition  « Du bien  fondé de la couleur verte dans l’espace industriel », débutée dans le Nord de la France en 1983.

Lorsqu’il évoque son parcours aux côtés de Tollens, il parle surtout de rapports humains. Ce sont ces relations interpersonnelles qui ont tissé le fil d’une histoire commune. La ligne de séparation entre son travail au sein de la société et sa propre création artistique était définie non par une logique commerciale, mais par une habile combinaison des deux. S’il a pu, à l’occasion, s’appuyer sur des moyens ou des compétences techniques propres à la marque, c'est davantage lié à la confiance ou du moins à l’absence de défiance de certains de ces interlocuteurs. Il a conscience que ce n’est absolument pas son travail artistique qui primait pour ses commanditaires, mais sa capacité à répondre de manière pertinente à leurs objectifs industriels, marketing et commerciaux.

Une aventure humaine


Tollens n’était pas dans une logique volontariste de placer au centre de sa stratégie le travail d’un artiste. Tollens n'a, certainement pas, su en tirer profit pleinement. Même si son directeur commercial, Jacques Orlando voyait très bien les bénéfices pour son entreprise d'un partenariat avec la galerie Le Sous-sol. Il saisit par exemple, l'opportunité de présenter la peinture Tollens au sein de la galerie, au sein d'un show-room dédié à la production de la marque. L'interpénétration de ces univers parfois contradictoires, ont permis cependant à la marque Tollens de jouer, à son insu, un rôle important dans l'histoire de l'art.

Tout est finalement affaire de rencontres, de détails, d’articulations et de résonances  entre quelques personnes : un directeur commercial et marketing, des amateurs d'art, des artistes, tous animés par leur propre désir.

Ne nous étonnons pas, alors, de cette exposition de Daniel Walravens, en 1995, à la galerie Claire Burrus, Grand Louvre, où il présentait sur des tableaux de 32 x 32 cm treize des couleurs qui recouvrent aujourd’hui encore les murs des salles de l’aile Richelieu du musée parisien. En effet, les conservateurs avaient choisi pour leur muséographie les couleurs dans les nuanciers Tollens créés par Daniel Walravens.

Ainsi, la collaboration de Daniel Walravens avec Tollens lui a permis de devenir en 1993 le premier artiste contemporain (depuis 1953, Georges Braque "Les Oiseaux" le plafond de la salle Henri II) à être présenté de manière pérenne au sein du musée le plus visité au monde.


Bibliographie :

- à paraître début avril 2008
That’s Painting Productions, Roma Publications, Amsterdam, Éditeur Yvon Nouzille, Paris. 15€

-Daniel Walravens, De la peinture en général et de la couleur en particulier, Lettre volée, Bruxelles, 2007, 35.00 €

Publié dans julien lannette

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S
<br /> Parmi les mécènes de la galerie Le Sous-sol, vous en oubliez un : Soussan Ltd, fournisseur des musées. Je tiens à votre disposition le discours prononcé par son p.-d.g pour l'inauguration de ce<br /> partenariat. Par ailleurs, vous aurez peut-être lu la plaquette Blanc, éditée par le fournisseur, qui avait réuni pour la première fois That's Painting production et Daniel Walravens afin<br />  d'honorer une commande du Sous-sol :la remise en blanc des 800 m2 len sous-sol. Soussan Ltd, avait demandé à Walravens de choisir le blanc adapté pour son application par that's Painting<br /> Production, en utilisant bien évidemment une des gammes Tollens du même Walravens. <br />
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